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MALI🇲🇱/FRANCE🇫🇷: ANALYSE DES HOSTILITÉS



Dans un communiqué publié le 31 janvier 2022, le gouvernement malien justifiait l’expulsion de l’ambassadeur français Joël Meyer comme étant une réponse aux propos « hostiles et outrageux du ministre français de l’Europe et des affaires étrangères ».


Contrairement à ce que l’on pourrait penser, cette « expulsion » de l’ambassadeur français au Mali n’est pas une décision spontanée, mais un épisode prévisible d’une série d’hostilités entre la France et le Mali.

Dans ce nouveau billet-réflexion, nous allons tenter de répondre à 3 questions.


Quelles sont les motivations de l’expulsion de l’ambassadeur français au Mali ?

La transition malienne est-elle vraiment illégitime ?

Quelles peuvent être les conséquences de ce duel diplomatique ?

Et surtout que faut-il faire maintenant ?


LES 3 MOTIVATIONS ESSENTIELLES DE LA RUPTURE : RAPPELS FACTUELS D’UN CONFLIT DIPLOMATIQUE MAJEUR


Revenons quelques mois plus tôt.


LA MOTIVATION PREMIERE : La France comme une menace sécuritaire?


En septembre 2021, le Premier ministre du Gouvernement malien, Choguel Kokala Maiga déplore à La tribune des Nations unies un « abandon » en plein vol de la France. Jusque là, rien de spécial.


Quelque temps après, le Premier ministre malien a accusé la France, dans une interview accordée à l’agence russe RIA, d’avoir créé une enclave terroriste à Kidal (nord du Mali) et d’avoir entraîné des groupes armés. Il affirmera plus tard disposer de toutes les preuves tangibles de cette accusation.

Comprenez-vous la gravité de cette accusation ?


Si la France est accusée par le gouvernement du Mali, de soutenir directement le terrorisme au Mali , cela indique une chose certaine. Le Mali considère la France comme une partie du problème et non de la solution, et par conséquent elle représente une menace sérieuse aux intérêts supérieurs du Mali.


DEUXIEME MOTIVATION: La réciprocité.


Je pense que cet élément a joué un rôle tout aussi déterminant que la précédente. Depuis 2020, le Mali ne dispose pas d’ambassadeur en France. Pour cause, le renvoi de ce dernier suite à des propos jugés désobligeants par l’État français.

C’est quand même curieux que le même motif figure dans le communiqué du gouvernement malien faisant état de l’expulsion de l’ambassadeur français. Sauf que dans le cas présent, ce n’est pas l’ambassadeur qui est visé, mais le chef de la diplomatie française.


TROISIÈME MOTIVATION : La France derrière toutes les mésaventures diplomatiques maliennes ?


La transition malienne a mainte fois insinué que la France exerce des pressions ou manœuvres diplomatiques contre le Mali.

Cela s'est intensifié suite au communiqué de riposte aux sanctions de la CEDEAO. Le porte-parole du gouvernement, le colonel Abdoulaye Maïga laissait entendre, sans la nommer, que la France exerçait une influence importante sur la CEDEAO et était l’instigateur des sanctions.


« Le gouvernement du Mali regrette que des organisations sous-régionales ouest-africaines se fassent instrumentaliser par des puissances extrarégionales aux desseins inavoués », a-t-il dit.


Plus récemment, en commentant un communiqué sur les raisons du rejet du contingent danois sur le sol malien, le porte-parole du gouvernement du Mali a évoqué la « très bonne réputation » du Danemark au Mali en raison de son action en faveur du développement avant d’ajouter « Nous les invitons à faire attention à certains partenaires qui ont du mal malheureusement à se départir des réflexes coloniaux ».

Or la France avait justement exprimé sa solidarité au Danemark et condamné le renvoi des troupes danoises en qualifiant la transition malienne d'illégitime.


Illégitime. Voilà le mot qui fâche. C’est justement ce propos, mal apprécié par la transition, qui a été mis en avant par le ministre des Affaires étrangères du Mali, Abdoulaye DIOP, pour indiquer les raisons du renvoi de l’ambassadeur français au Mali.


LA TRANSITION MALIENNE EST-ELLE LEGITIME ?


Dans les échanges entre Paris et Bamako, mais aussi entre Bamako et la CEDEAO, un problème est constamment posé. Le problème de « légitimité ».


Paris et la CEDEAO mais aussi une partie de la classe politique malienne, considèrent que la transition malienne est illégitime. Surtout que, ce dernier, auteur d’un double « coup d’État » a dépassé le cadre conventionnel qui lui a été donné (le délai accordé a la transition pour le retour à l’ordre constitutionnel)


Cependant, comment peut-on expliquer qu’une transition dite illégitime soit non seulement très appréciée des Maliens, mais aussi d'une grande communauté panafricaine sur le continent et dans la diaspora ?


C’est à cette question que nous allons tenter de répondre.


Tout d'abord. La notion de légitimité est un concept purement relatif. Aucun gouvernement n’est en réalité dans l’absolu légitime.


La légitimité qu’elle soit rationnelle ou irrationnelle est déterminée par un modèle social, et dépend des conventions auxquels souscrivent les groupes représentés. Le modèle qui prévaut au Mali est la démocratie. On n’acquiert donc la légitimité que par la voie des urnes.


Ceci est un premier niveau d’analyse. Ou même, un fondement parmi d'autres du concept de légitimité.


Et si l’on essayait d’aller plus loin ?


L’IRG propose une autre perspective. Une typologie, croisant celle des trois idéaux de Max Weber (tradition, charisme et légalité) et celle de Scharpf (légitimité du gouvernement par ou pour les citoyens) et distingue ainsi quatre grands types de légitimité ayant trait au pouvoir politique parmi lesquels il y’a ;


La légitimité « par les processus » (ou input legitimacy) : liée aux règles et procédures par le biais desquelles sont élaborées et adoptées les décisions contraignantes (processus participatifs, gestion bureaucratique, justice)


Et


• La légitimité « par les résultats » (ou output legitimacy) qui se définit en fonction de l’efficacité et de la qualité reconnues aux services fournis en fonction des attentes des populations (sécurité, services sociaux, etc.).

Peut-on donc penser que la transition malienne dispose d’une autre forme de légitimité ?

Pas certainement démocratique, mais circonstancielle. Une légitimité dépendante de l’action qu’ils mènent et non issue d’un processus traditionnel établi ?


Le Malimetre, sondage d’opinion de la Fondation allemande Friedrich Ebert Stiftung démontre qu’une grande majorité de maliens restent satisfaits des actions des autorités de la transition. Cette transition malienne bénéficie également du soutien d’une forte communauté panafricaine du continent et de la diaspora.


Les mobilisations en Faveur du Mali dans plusieurs pays d’Afrique et en Europe, portaient des messages de soutien à la transition.



LES CONSÉQUENCES DU DUEL DIPLOMATIQUE FRANCO-MALIEN


L’expulsion de l’ambassadeur français et les réactions que cela a provoquées ont eu pour effet de déplacer une question diplomatique dans la sphère publique. Les opinions se cristallisent davantage de tous les côtés et les différentes réactions qu’on a entendu, sont clivantes les unes comme les autres.


Du côté de la France, l’expulsion de l’ambassadeur français a été perçue comme une offense à la République.


Il y’a eu beaucoup d’émotions, peu de sagesse, et surtout de la surenchère politique.


Du côté du Mali, « le respect de la souveraineté » est l’élément clé qui ressort des interventions médiatiques des officiels et soutiens majeurs de la transition.


La classe politique traditionnelle malienne, a quant à elle, à peine réagi à cette nouvelle escalade des relations franco-maliennes.


Cette crise diplomatique pourrait non seulement pousser au retrait des troupes françaises du Mali, mais aussi de la force européenne Takuba, dont le contingent danois a été renvoyé du Mali récemment.


QUE FAUT-IL FAIRE?


L’État c’est les Hommes. Ça n’a jamais été le contraire. Et les hommes aussi raisonnables sont-ils, demeurent des êtres d’émotions.

L’absence de dialogue constructif et l’abondance des critiques, des invectives, de l’arrogance... bref tout ce qu’il ne faut pas faire, ne servent pas l’objectif de paix au Sahel.


Il faut transcender ces emotions car il est crucial de réussir le pari de la paix.

Il faut se concerter, mais aussi...


S’écouter.

Se respecter.

Se comprendre

S’entendre.

Agir ENSEMBLE.


L’isolement du Mali aura forcément des conséquences sécuritaires néfastes sur la région. Et une chose est certaine. Il n’y aura pas de paix dans le Sahel tant qu’il n’y’aura pas la paix au Mali.



Oumar SIDIBE


Ecrivain, Chercheur.


info@oumarsidibe.com